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Interview >Télétravail, crises sanitaire et climatique ont encouragé les professionnels, sinon sur la voie de la reconversion, à porter un regard différent sur leur métier et à changer de comportement. L’analyse de Lory Adjad
Lory Adjadj, responsable du Cape à Bordeaux, cabinet collaboratif de conseil et d’accompagnement pour les professionnels de l’emploi. PHOTO FABIEN COTTEREAU/« SUD OUEST »
Peut-on parler d’une tendance ou d’une évolution significative concernant la reconversion
professionnelle ?
Plus que de grandes tendances, je parlerais de grandes périodes de vie et d’histoires personnelles qui font que la reconversion va ou pas se présenter à soi, à l’exemple d’un plan social. Au sein de mon cabinet, dans les accompagnements de reconversion, je rencontre un phénomène de reproduction (environnement social) et d’autocensure, selon le milieu d’origine et la façon dont la curiosité a été nourrie lors de sa jeunesse. Ces caractéristiques peuvent rester prégnantes
tout au long d’une carrière. Si l’on n’aborde pas assez tôt le champ des possibles, c’est difficile de le faire par la suite. Complètement séparée du monde du travail, l’école prépare mal à aborder une carrière, sachant qu’en France on aurait plutôt tendance à aborder la trajectoire professionnelle dans une logique assez linéaire.
sont différents, telle la grande démission. Là-bas, on veut essayer un truc, on y va, et cela se justifie par le fait d’agir.
« Être accompagné permet d’avoir du recul, de ne pas
garder la tête dans le guidon »
Justement, comment agir
pour inciter ou accompagner
une reconversion ?
Mon travail, je l’appuie beaucoup sur la curiosité. Si elle est nourrie et entretenue, on tire son fil. La volonté ne suffit pas pour tourner la page. Je ne connais pas de meilleure façon quand on veut changer de métier que d’aller au contact des gens, afin de s’enrichir progressivement des différentes réalités et bâtir, petit à petit, son projet.
Être accompagné permet d’avoir du recul, de ne pas garder la tête dans le guidon et ne pas passer comme ça d’un point A à un point B. Cela peut être assez brutal si on ne peut pas mesurer les écarts entre son besoin de compétences et le métier souhaité. Aussi, il existe pas mal
de représentations fausses, d’a priori et de conditionnements limitants chez les professionnels, vis-à-vis des métiers, et les responsables d’entreprise
La reconversion est-elle
synonyme de soif de liberté,
d’indépendance ?
Depuis 2002, les réformes successives (DIF, CEP) ont invité à reprendre
le pilotage de sa carrière. La crise
sanitaire et l’instauration du télétravail ont entraîné une recrudescence de démissions et de reconversions. En 2022, on observe un autre phénomène : le retour du refoulé qui revient dans son entreprise initiale (salarié boomerang) et le professionnel qui subit le contrecoup d’avoir bien vécu le confinement chez lui. C’est un bon soldat, un pilier, un poste cadre qui vit une perte de sens. Il négocie des jours en plus
de télétravail, un départ ou un aménagement du temps de travail. Le changement climatique a aussi son importance, surtout dans les jeunes générations, moins attirées vers la grande entreprise, et où la notion de travail est repensée.
Existe-t-il un âge rédhibitoire pour changer de voie ?
Non, il n’est jamais trop tard. La logique de carrière dans le même métier n’est plus vraie. Reste cette culture obsédante où il faut un fil conducteur, toujours se justifier. Il en va autrement dans les pays anglo-saxons, où l’état d’esprit et les paradigmes
LA CURIOSITÉ ANIME LORY ADJADJ
Curiosité est le maître mot de Lory Adjadj. Âgée de 43 ans, elle préside Le Cape, cabinet collaboratif de conseil et d’accompagnement pour les professionnels de l’emploi. Elle dit placer « le collaboratif à tous les niveaux d’intervention pour les entreprises (audit, évaluation, qualité de vie au travail…) dans une logique systémique. Je mets mes audits en perspective de projet d’amélioration et fournis des pistes. Je propose du conseil et de la formation sur mesure (management de personnes et de métiers). Je fais de
l’accompagnement d’actifs de carrière, de mobilité, des bilans de compétences classiques mais aussi pour les entrepreneurs (business model, projet d’implantation, analyse de marché…) afin, si besoin, de fournir une feuille
de route complète. Ma démarche est d’animer autour de la carrière et le territoire. » Après avoir beaucoup bougé, Lory Adjadj a décidé de se poser, à Bordeaux. « Je propose enfin ma propre offre de service. »
Et la notion d’argent ?
Ça reste un moteur, mais il est de plus en plus compliqué de le brandir pour susciter des motivations. D’autant qu’il n’y a plus de lignes de cohérence entre les métiers, le niveau de compétences et les salaires. Ce constat concerne même les diplômés des grandes écoles. C’est la quête du sens de ce que l’on fait, la place que l’on occupe.
Évolutive, on se la crée, on se l’écrit. D’où l’explosion de la recrudescence de l’entrepreneuriat, 1 million de personnes crée leur entreprise chaque année.
(1) Cabinet Le Cape, gare Saint-Jean, immeuble Flex-O, Bordeaux-Euratlantique 43, rue d’Armagnaclory.adjadj@le-cape.fr
Les raisons : la quête de sens, la lassitude professionnelle, la crise à 30, 40 et 50 ans, l’envie de faire plusieurs jobs à la fois
(phénomène des slashers) près de 3 millions selon l’Insee, la soif d’indépendance avec l’entreprenariat, 28 % des Français souhaiteraient créer leur business (47 % chez les moins de 25 ans).
Pourquoi ils ont déclenché leur conversion lors du Covid
Les candidats
Les domaines de formation privilégiés
5 secteurs d’activité
particulièrement plébiscités
Selon le Céreq (Centre d’étude et de recherche sur les qualifications) et France compétences en 2015
s’ajoutent 900 000 personnes
(4 % des actifs) passées
du salariat au statut d’indépendant
Les profils souhaitant changer
de métier et le taux de succès
39% est le taux de succès
32% est le taux de succès
29% est le taux de succès
Source: www.managementdelaformation.com
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